Répercussions de la COVID-19 sur les marchés des produits de base en acier
Que se passe-t-il dans l’industrie sidérurgique depuis le début de l’année?
En janvier et février 2020, la production mondiale d’acier brut s’élevait à 293,4 Mt, soit une hausse de 2,6 Mt (+1,1 %) par rapport à la même période en 2019. La production chinoise a augmenté de 4,7 Mt, tandis que dans le reste du monde la production a diminué de 2,1 Mt. Les baisses de production ont été observées principalement en Europe : Allemagne, Espagne, Pologne et Belgique.
Les résultats de production de mars 2020, publiés récemment par la World Steel Association (WSA), prévoient un ralentissement d’environ 6 % d’une année à l’autre, et ce chiffre pourrait être revu lors des prochaines estimations.
Les niveaux de stocks plus importants que la normale en raison de la forte production et les répercussions économiques de la COVID-19 commencent à se faire sentir dans l’industrie.
Une répétition de la crise de 2009 est peu probable
La reprise économique sera-t-elle en forme de V ou de U, ou en forme de L, ce qui indiquerait que l’économie ne reviendrait pas au niveau où elle se trouvait?
Contrairement à 2009, les systèmes financiers mondiaux ne sont pas aux prises avec des dettes accablantes, qui avaient laissé une empreinte durable dans l’économie et qui nécessitaient des mesures correctives échelonnées sur plusieurs années. En réponse à la COVID-19, nous arrêtons délibérément et temporairement les secteurs productifs de l’économie afin de ralentir la propagation de la pandémie.
Le krach de 2009 n’a pas affecté tous les pays de la même façon. L’Amérique du Nord et l’Europe se trouvaient à l’épicentre tandis que la Chine, l’Inde et le Moyen-Orient étaient relativement moins touchés. Tandis que pour la crise de la COVID-19 la plupart des pays dans le monde sont touchés comme jamais auparavant.
La principale différence de la crise actuelle est que les gouvernements ont réagi autrement, car ils avaient tiré de leçons de la crise 2009. Les gouvernements se sont montrés très proactifs dans leurs interventions pour gérer les répercussions économiques potentielles. Ils ont rapidement mis en place des incitatifs fiscaux, des réductions de taux d’intérêt, des prêts sans intérêt pour les entreprises qui ont dû interrompre leurs activités et des reports d’impôt. Au total, les gouvernements des économies développées se sont engagés à injecter cinq billions de dollars dans des mesures d’incitation fiscale, soit 5,4 % du PIB mondial.
Tout compte fait, nous pourrions assister à une reprise économique en forme de V dès la fin de l’année ou au début de 2021.
La reprise économique de la Chine à la suite de la crise est très encourageante pour l’industrie sidérurgique
Compte tenu des niveaux élevés en janvier et en février, la situation de la plupart des principaux producteurs utilisant des hauts fourneaux et des convertisseurs basiques à oxygène ne devrait pas revenir à la normale avant juin, jusqu’à ce que les stocks accumulés soient épuisés. Les producteurs misant sur des fours électriques à arc, et qui devaient composer avec de faibles marges avant la crise, pourraient être obligés d’arrêter leur production pour une période prolongée, jusqu’à ce que les marges s’améliorent et que la demande augmente.
Heureusement, en ce qui concerne la demande, nous décelons des signes précurseurs de reprise économique en Chine – l’un des plus grands consommateurs d’acier au monde. Les niveaux de production de la construction navale sont revenus à 90 %. Des projets d’infrastructure d’État ont été mis en œuvre par le gouvernement pour atteindre le niveau de production d’avant la crise. L’industrie automobile a augmenté ses niveaux de production de plus de 30 %. Avec la levée des mesures de confinement, la production augmentera progressivement à Hubei, une province comptant plus d’une centaine d’entreprises dans la chaîne d’approvisionnement automobile. Le gouvernement chinois devrait certainement mettre en place un programme de reprise. Cependant, les mesures ne seront pas de la même envergure que celles du plan de relance de 2009, où des investissements à grande échelle dans l’énergie, les ports, le transport urbain et les ponts avaient été réalisés.
Alors que la Chine est en pleine reprise économique, sa chaîne d’approvisionnement aura du mal à exporter des composants et des produits puisque l’économie tourne toujours au ralenti dans le reste du monde. Cependant, le rapide retour à la normale en Chine et l’aplatissement des courbes de nouveaux cas que nous commençons à observer en Europe et en Amérique du Nord sont des signes prometteurs pour l’avenir de l’acier.
Ce que l’industrie sidérurgique doit faire pour relever les défis à court terme tout en se positionnant pour un succès à long terme
À court terme, c’est un retour aux sources pour l’industrie. La réduction des coûts, l’optimisation de l’exploitation, l’amélioration des marges et le maintien des flux de trésorerie seront les priorités immédiates. Les grands projets d’investissement devront être limités ou revus pour conserver les liquidités.
À long terme, les gouvernements joueront un rôle beaucoup plus important et auront une plus grande incidence sur l’avenir de l’industrie. Ils sont déjà les prêteurs et les employeurs de dernier recours. En général, à la suite d’une crise, les gouvernements investissent dans les infrastructures, afin de relancer les secteurs essentiels comme l’industrie sidérurgique. En plus de ces mesures au beau milieu de la crise, il se peut aussi que d’autres mesures à plus long terme soient mises en œuvre, comme l’accélération des investissements prévus dans la décarbonisation, ce qui augmenterait considérablement la demande en acier.
L’industrie doit demeurer vigilante face aux importations abusives. Les cargaisons d’acier ne manqueront pas pour les acheteurs. L’histoire a fourni suffisamment de preuves pour démontrer les dommages à long terme que cela peut causer à l’industrie de l’acier.
Une crise peut aussi apporter des avantages étonnants. L’industrie sidérurgique a dû composer avec de faibles marges en 2019 et continuera probablement de le faire cette année. Pour cette raison, il est possible que certains actifs viables et rentables à long terme soient impliqués dans des fusions et des acquisitions. L’industrie doit être prête à examiner ces possibilités et à aller de l’avant si elles sont avantageuses.
Il se pourrait aussi que la production soit relocalisée hors des pays où les coûts de production sont faibles afin de simplifier la chaîne d’approvisionnement et de réduire les risques de perturbation future. Une volonté politique suffisante et appuyée par la mise en place d’une législation pourrait accélérer la relocalisation vers les pays développés. L’industrie sidérurgique doit être prête à intervenir et à se coordonner pour accélérer ce processus.
La lumière au bout du tunnel
La pandémie de COVID-19 présente passablement peu défis à court terme pour l’industrie sidérurgique. La reprise rapide en Chine et les plans de relance à grande échelle des gouvernements indiquent que l’industrie devrait pouvoir affronter cette tempête. Les producteurs devraient être prêts à profiter des occasions qui se présentent.